Nous sommes le dimanche 6, octobre, il est 6h00 du matin, au hameau des Chapieux (1500 mètres d'altitudes) haut lieu de la résistance savoyarde. Nous sommes 350 coureurs, prêts à nous élancer pour 60 kilomètres et 3550 D+ d'un trail exigeant et rude (nous progresserons toujours au dessus de 2000 m) autour du col du petit Saint Bernard.
La nuit a été un peu raccourcie, mais nous sommes bien réveillés et impatients de découvrir un parcours qui s'annonce magique...Les 4 premiers kilomètres en direction de « la ville des glaciers » se font sur une piste roulante et permettent d'étirer le peloton avant d'attaquer le monotrace: 1100 mètres de dénivelé en guise d'échauffement pour atteindre le col de l'Ouillon (2612), son couloir enneigé et l'émerveillement au sorti du goulet final face à l'Aiguille des Glaciers enflammée par le levé du soleil...le sol rendu glissant par la neige et le gel, nous ramène après quelques chûtes heureusement sans gravité, à la réalité de la course!
Une longue descente en alpage nous conduit au premier ravitaillement (KM15, 1100D+) ou nous attend un potage et du solide...la météo est pour l'instant favorable. Nous progressons rapidement en direction de la seconde difficulté représentée par le col de la Forclaz, qui au premier abord ressemble à un mur de 500 m de dénivelé, dans lequel nous essayons vainement de distinguer une trace de progression. L'ascension est brutale et dure. Le passage au col (2525m )est magique face aux sommets de la Tarentaise.
Un sentier en balcon tout en relance, dans les alpages, nous conduit au col du petit Saint Bernard (2168m) et à son célèbre Hospice ou se tient le second ravitaillement (Km 22, 1700D+). Nous refaisons rapidement les niveaux car le prochain ravitaillement et au Km 43....
Nous sommes passés en Italie. Le temps s'est sérieusement rafraîchi, le vent s'est levé, il nous fouette le visage et nous impose de nous équiper chaudement.
Après une brève descente au lac du Verney, nous attaquons une longue portion isolée et très sauvage. Nous progressons dans une vallon exposée au vent et glacial. La montée est irrégulière, il nous est impossible de courir, la neige est de plus en plus présente en particulier au col de Punta Rossa (2551m) d’où nous apercevons au delà d'un extraordinaire plateau fluvio-glaciaire entre lacs (de Tormottaz) et pierriers la longue muraille de Bassa Serra que nous franchirons par son débonnaire col (2738m). Nous finissons la longue traversée de ce plateau glaciaire par une zone lunaire entre pierre et petits lacs glaciaires avant de retrouver un sentier en balcon, exposé, et équipé pour l'occasion par des guides pour rallier le col des Chavannes (2503m).
Du Col des Chavanness, nous remontons plein nord, en direction du mont Fortins, puis nous poursuivons sur la crête jusqu'à l’ante-cime du Mont Favre (2850m) point culminant du parcours. Nous dominons le Val Veny, face au Mont Blanc de Courmayeur et au pilier du Freney. 1000 mètres plus bas nous apercevons les lacs Combals....Le paysage est toujours aussi extraordinaire...La météo s'est améliorée, le soleil nous réchauffe durant la montée, mais de gros nuages commencent à s'accumuler au sud et le Mont Blanc a mis son chapeau...
La descente est violente, droit dans la pente sur les 200 premiers mètres, sans sentier identifiable....Les quadriceps couinent! Nous retrouvons un monotrace dans les alpages qui nous conduit enfin au ravitaillement du Berio blanc (KM 43, 3050D+) ou nous attend du thé chaud.
La descente du vallon de Chavanne n'est pas difficile, elle est seulement ...longue! A l'Alpetta, nous attaquons les 500m de remontée vers le col du petit Saint Bernard qui ne présentent aucune difficulté technique. Le ciel s'est couvert, les nuages sont bas et la pluie s'est invitée. Elle tombe d'abord finement puis se fait de plus en plus violente au fur et en mesure que nous grimpons, accompagnée de grésil et de fortes bourrasques de vent. Elle ne nous quittera plus jusqu'à l'arche d'arrivée que nous franchirons trempés et transits de froid.
Bien au chaud dans l'Hospice, et après avoir enfilé un change intégral, nous refaisons le parcours de cette extraordinaire journée en montagne...Nous finirons tous la course, François et Nicolas Lepinoy en 11h18, talonné par Julien en 11h22. Nicolas Lamotte et Eric seront les plus trempés, finisher en 13h29.
L'organisation fut parfaite. Nous garderons en mémoire, ces extraordinaires paysages automnaux d'alpages enneigés, de cols abrupts, de lacs partiellement gelés et de plateaux d'altitudes rudes et solitaires faces au toit de l’Europe. Ce trail s'adresse comme annoncé à des coureurs expérimentés.